La CSEM annonce un recours judiciaire contre le gouvernement du Québec
La Commission scolaire English-Montréal (CSEM) a tenu une conférence de presse le 10 septembre dans le but d’annoncer qu’elle entreprend un recours judiciaire contre le gouvernement du Québec.
Le conseil des commissaires de la CSEM a adopté cette résolution afin de prendre les mesures nécessaires pour que les tribunaux puissent se prononcer sur le transfert forcé d’écoles de la CSEM à la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île, sur la constitutionnalité de l’article 477.1.1 de la Loi sur l’instruction publique et sur la protection de la gouvernance des commissions scolaires en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Voici les propos de la présidente de la CSEM, Angela Mancini, lors de la conférence de presse :
J’aimerais d’abord vous souhaiter à tous la bienvenue au nom du conseil des commissaires de la Commission scolaire English-Montréal.
Ces derniers mois ont été fort mouvementés à la CSEM. La fin juin et le début de juillet ont été particulièrement occupés à la suite de la décision du gouvernement de la CAQ de transférer deux écoles anglophones de la CSEM – soit John Paul I et Général Vanier – à la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île.
Vous avez été conviés ici aujourd’hui par le conseil pour entendre nos réflexions sur le transfert de nos écoles à une commission scolaire francophone et pour vous faire part de nos intentions dans un proche avenir.
En juin dernier, la CSEM a déposé devant la Cour supérieure du Québec une demande de suspension/d’injonction jusqu’à ce que les tribunaux puissent se prononcer sur le fond de l’affaire – avant le transfert des deux écoles. Bien que la juge ait déclaré que notre cause était fondée, elle s’est montrée réticente à ne pas procéder aux transferts, en partie parce qu'il ne restait que peu de temps pour se préparer en prévision de la prochaine année scolaire. Cela dit, la requête en révision judiciaire déposée par la CSEM et portant sur le fond de l’affaire se trouve toujours devant les tribunaux.
Aujourd'hui, nos avocats ont déposé une autre requête devant les tribunaux dans le but de déterminer si l'article 477 de la Loi sur l'instruction publique respecte les droits de la minorité anglophone du Québec.
La loi actuelle permet au gouvernement de transférer des bâtiments scolaires appartenant à la communauté minoritaire anglophone, et ce, presque sans égard à ce qu’en pense cette dernière. Elle ne prévoit aucune consultation véritable auprès de la communauté anglophone ni aucune considération à l’endroit des décisions et propositions de la commission scolaire minoritaire.
La CSEM craint qu’il y ait d’autres transferts d’écoles similaires au cours des années à venir. C’est pour cette raison que la CSEM a décidé de déposer une contestation constitutionnelle devant la Cour supérieure du Québec afin d’obtenir une déclaration claire quant à l’obligation du gouvernement 1) de consulter la communauté anglophone et 2) de faire preuve de respect à l’égard des décisions et propositions relatives aux transferts d’écoles.
Le conseil de la CSEM a également adopté une résolution la semaine dernière dans laquelle il demande au gouvernement Legault de saisir la Cour d’appel du Québec d’un renvoi de manière à déterminer si les actions récentes et imminentes respectent les droits de la minorité anglophone du Québec garantis en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne.
Un renvoi permet aux gouvernements d’obtenir un avis consultatif d’un tribunal sans la tenue d’une procédure entre deux parties opposées.
Plus précisément, la CSEM souhaite obtenir une réponse claire de la part des tribunaux quant à savoir si la gouvernance des commissions scolaires est protégée par la Constitution dans le cas de la minorité anglophone du Québec.
Au cours des 20 dernières années, les tribunaux ont été appelés à répondre à un certain nombre de questions fort importantes ayant fait l’objet d’un renvoi par les autorités provinciales et fédérales. À titre d’exemple, l’admissibilité à la Cour suprême du Canada en 2014, les mandats d’une durée fixe des sénateurs fédéraux en 2013, entre autres.
Dans de tels renvois, les questions soumises par le gouvernement au tribunal pour obtenir un avis portent sur les droits fondamentaux de la personne. Le gouvernement renvoie une question à la cour AVANT de modifier la loi ou de promulguer une loi susceptible de priver les individus de leurs droits fondamentaux.
Une procédure de renvoi devant la Cour d'appel du Québec permettrait au gouvernement et à la CSEM de réaliser de grandes économies en termes de ressources, et permettrait également de mieux comprendre, du point de vue d'une autorité objective, si le plan proposé par le gouvernement pour abolir les commissions scolaires respecte l'article 23 de la Charte.
Nous souhaitons que M. Legault et le gouvernement de la CAQ prennent toutes les précautions nécessaires avant de déposer un projet de loi qui pourrait brimer les droits de la minorité anglophone du Québec. Dans l’éventualité où le gouvernement ne demanderait pas un tel renvoi, la CSEM s’engage à aller devant les tribunaux pour obtenir une réponse claire quant à savoir si l'abolition des commissions scolaires anglophones est constitutionnelle.
La CSEM est disposée à défendre ses droits en vertu de l'article 23 devant les tribunaux et demande aux autres commissions scolaires et organismes de la communauté anglophone d’en faire autant. Les commissions scolaires constituent la seule institution publique à appartenir encore à la communauté anglophone du Québec. La CSEM estime qu'il est important que les commissions scolaires anglophones et les organismes de la communauté anglophone fassent preuve de solidarité et mettent en commun leurs ressources pour contester la loi à venir.
L'article 23 de la Charte confère aux représentants de la minorité anglophone du Québec le pouvoir exclusif de prendre des décisions concernant l’instruction dans la langue de la minorité et les établissements où elle est dispensée. La CSEM n’hésitera pas à s’adresser aux tribunaux pour défendre ce droit.
La communauté anglophone a le droit de gérer et de contrôler son système d’enseignement. Pourtant, très prochainement, le gouvernement de la CAQ déposera un projet de loi visant à abolir les commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services. Selon toutes vraisemblances, le nouveau projet de loi stipulera qu’à défaut d’avoir des enfants présentement inscrits dans le réseau scolaire anglophone public, vous n’aurez pas le droit de voter ni de vous présenter aux élections – ce qui limitera la grande majorité des détenteurs de droits et des contribuables anglophones.
La CSEM a toujours tenu tête au gouvernement afin de garantir les droits de sa communauté. On n’a qu’à penser à la Charte des valeurs du PQ, au projet de loi 86 des libéraux et tout récemment au projet de loi 21 de la CAQ et à l'abolition des commissions scolaires. Et tout cela, en affichant le taux de diplomation le plus élevé (91 %) parmi les écoles publiques de la province de Québec. La CSEM continue de mettre l'accent d’abord et avant tout sur la réussite des élèves, et les résultats parlent d'eux-mêmes.
Mais la Commission scolaire English-Montréal représente également les parents et les contribuables anglophones – qui votent aux élections scolaires dans une proportion nettement plus grande qu’ailleurs au Québec. Pourquoi? Parce que les commissions scolaires et le rôle polyvalent qu'elles jouent au sein et au profit de la communauté anglophone de Montréal sont d’une importance capitale pour notre communauté minoritaire.
En conclusion :
La Commission scolaire English-Montréal annonce aujourd’hui qu’elle a déposé une requête devant les tribunaux pour déterminer si l’article 477 de la Loi sur l’instruction publique du Québec respecte les droits de la minorité anglophone du Québec;
La CSEM invite M. Legault et le gouvernement de la CAQ à soumettre des questions aux tribunaux, par procédure de renvoi, et à attendre la réponse des tribunaux avant de déposer un projet de loi destiné à abolir les commissions scolaires;
La CSEM annonce sa volonté d’entreprendre d’autres recours judiciaires contre le gouvernement du Québec au nom des citoyens anglophones de Montréal;
La CSEM invite d’autres commissions scolaires et organismes anglophones à se rallier à cette importante cause.
Merci de votre intérêt et de votre attention.